Robert Bălan, metteur en scène, comédien et écrivain, a réalisé un podcast intitulé Insomnia, un docu-fiction sur la dépression et les troubles du sommeil.* Témoignage…
Y a-t-il une définition claire de la dépression ? Et quels en sont les symptômes ?
Il y a un tas de définitions dans la littérature spécialisée. Mais comme je ne suis ni médecin ni psychologue, je parlerai de ma propre expérience liée à la dépression, et de celle des autres que j’ai rencontrés. Au-delà des symptômes physiologiques, il y a deux mots intimement liés à la dépression, espoir et sens. Le manque d’espoir et l’incapacité à trouver un sens à sa vie sont à l’origine même de la dépression. Pour le dépressif, un constat du type « pas maintenant, mais à un moment donné, ça ira mieux », est difficile à concevoir. Et quand il n’y a pas d’espoir, plus rien ne compte. D’où ce sentiment que rien n’a de sens, que ce soit l’argent, l’amour, les amis ou l’accomplissement professionnel.
Peut-on parler de cette expérience sans générer un traumatisme supplémentaire ?
Oui, parler aide vraiment. En même temps, raconter du vécu ne suffit pas toujours pour sortir de cette boucle de pensées négatives. Les séances de thérapie peuvent évidemment contribuer à une amélioration. En tout cas, dans les entretiens que j’ai réalisés lors de la documentation pour le podcast, j’ai découvert une sorte de modèle systémique ; les changements pour le mieux sont toujours survenus suite à des discussions avec les autres, connaissances, amis, psychologues. Ceci dit, le risque de sombrer subsiste, malgré tout. Quelques-uns de mes interlocuteurs en témoignent. Avec la dépression, on marche sur de la fine glace.
Que peuvent faire les proches et la société pour mieux intégrer les personnes dépressives ?
Ne minimisez en aucun cas l’expérience de l’autre. Des expressions comme « tu n’as rien » ou « ce n’est pas un problème grave », ou encore « d’autres sont plus malheureux que toi » n’aident pas, au contraire. C’est un cliché, mais pour aider, il faut être là, essayer de s’approcher, de comprendre et de consoler l’ami dépressif. Puis l’encourager à demander de l’aide professionnelle. Arrive alors la partie délicate… S’il n’est pas convaincu, il n’ira pas chez un thérapeute. Par ailleurs, en Roumanie notamment, des préjugés persistent vis-à-vis de ceux qui sont confrontés à certains troubles et suivent une thérapie. Pourtant, beaucoup de choses peuvent y être discutées et avoir un impact. Par exemple, si l’un des symptômes est le manque de sommeil, comme cela arrive souvent, prendre des pilules pendant un temps aide à dormir. Et bien dormir, c’est très réconfortant. Le recours aux antidépresseurs, sur recommandation d’un spécialiste, peut aussi améliorer les symptômes. Même si cela peut être interpréter comme une défaite… « Je n’arrive pas à m’en remettre tout seul, donc je ne suis bon à rien. » Le célèbre écrivain et activiste dans le domaine de la lutte contre la stigmatisation des personnes dépressives, Andrew Solomon, dit que la dépression est une maladie qui n’existe que dans les explications du patient. On est donc face à l’impondérable. Mesurer ce qui se passe dans la tête de l’homme est une mission très compliquée. La seule façon d’y parvenir un peu est de le croire.
Propos recueillis par Matei Martin.